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Au Bonheur d'Écrire
19 novembre 2014

Brésiliennes

 

 

 

emmanuella-de-paula

Brésiliennes 

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Théo est un artiste anonyme, fermement convaincu de la valeur de son œuvre. Il ne doute pas, il n’a jamais douté de son talent. Il attend impatiemment le déclic intérieur d’où naîtra son premier chef-d’œuvre. Alors s’ouvrira devant lui le boulevard de la célébrité pavé d’or, enguirlandé d’honneurs.  

En attendant, sa situation devient intenable. Cela fait plus d’un mois qu’il a rangé ses pinceaux. Sa palette stérile gît abandonnée sur l’étagère de son atelier miteux, qui est aussi sa chambre à coucher. Théo est en manque d’inspiration.

Ses toiles se sont toujours mal vendues, les galeristes les refusent systématiquement. Les critiques d’art ne s’y intéressent pas. Mais, jusqu’ici, il arrivait quand même à satisfaire ses besoins essentiels, écoulant ses œuvres au plus offrant, dans les marchés ou au coin de la rue.

Or, il n’a plus rien à vendre maintenant, son stock s’est épuisé. Bientôt, il se sera obligé de recourir à la soupe populaire pour survivre. De plus, il craint d’avoir perdu le don de créer. La déprime le saisit à cette idée. Il sent s’épaissir une lueur crépusculaire dans son âme, si prompte d’habitude à lui fournir des formes originales, audacieuses. Un sentiment de désolation le rend malheureux. Il a l’impression de ne porter en lui, désormais, que l’aridité du désert.

Tous les jours, obstinément, il arpente les rues de la ville à la recherche d’une idée, une étincelle de génie capable de le motiver. Théo a la cinquantaine, la barbe poivre et sel, les tempes grisonnantes. Sa mise est négligée, il ne se lave pas tous les jours. Il a pourtant un certain charme qui attire parfois l’attention de certaines femmes.

Ce matin, il a croisé une Brésilienne place de la Mairie. Elle a un buste étourdissant de voluptueuse gourmandise au-dessus de sa taille fine où aboutit le galbe parfait de ses hanches. Croyant avoir trouvé le modèle idéal, il ne perd pas de temps. Il aborde la belle créature. Le désespoir lui donne du cœur au ventre.

– Bonjour, madame. Puis-je vous faire une proposition honnête ? dit-il avec son plus beau sourire.

– Vous avez quelque chose à vendre, je suppose ?

– Non. Je suis artiste peintre.

– Ah, je vois ! vous cherchez un modèle ? fit-elle, daignant enfin faire attention à lui.

– Vous avez deviné. Puis-je compter sur votre collaboration ?

– Vous payez combien la séance d’une demi-heure?

– Combien en demandez-vous ?

– Cinq cents euros. Ce n’est pas cher payé pour un futur chef-d’œuvre.

Vanusa suit le peintre dans son atelier miteux, disposée à faire un essai. Elle ne se sent pas  dépaysée dans l’atelier misérable de Théo. Les favelas de Rio ne sont pas mieux tenues.

Suivant les instructions du peintre, elle enlève le haut mettant à nu une paire de seins superbes. Celui-ci a préparé ses pinceaux, s’apprête à mélanger des couleurs sur sa palette. Il reste sans voix, le souffle coupé, devant la poitrine sculpturale de la Brésilienne.

– Combien me faudra-t-il payer pour un nu intégral ? dit-il enfin, maîtrisant tant bien que mal son émotion.

– Mille euros la demi-heure. Autant de séances que vous voudrez.

– Et pour faire l’amour avec vous ?

– Pour ça, vous payerez cinquante euros, comme les autres.

 

 

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  • Cette page sera essentiellement consacrée aux deux romans que je m'apprête à auto-éditer. J'en publierai ici des Extraits. Il n'empêche qu'on y trouvera également des écrits qui vont de la fable aux petites nouvelles en passant par de petits essais.
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