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Au Bonheur d'Écrire
2 janvier 2015

Les Tribulations de Christina (Extrait)

 

 

 

 

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Chapitre 1

Un drôle de pari

 

Un dimanche soir, une jeune femme à l’allure distinguée fit son apparition sur le quai de la gare de Saint-Germain-en-Laye. Elle était visiblement attendue par deux individus d’aspect peu rassurant. Ils se tenaient à l’écart des passagers qui attendaient l’arrivée du train. L’un était long et chauve, l’autre rougeaud et trapu. « La voilà ! » souffla le chauve à l’oreille du rougeaud. Il se targuait d’avoir quatre-vingt-dix-neuf nanas à son tableau de chasse, cherchait à y accrocher la centième. Et il avait jeté son dévolu sur cette femme attirante dont il suivait tous les mouvements.

Il la convoitait depuis l’autre jour où il l’avait croisée dans les rues de Saint-Germain-en-Laye. Par la suite, suivant tous ses pas, il découvrit qu’elle était une petite bourgeoise qui venait régulièrement rendre visite à ses parents. Alors, avec l’aide de deux complices, il mit au point un stratagème pour se rapprocher d’elle. Ce serait la cerise sur le gâteau, une vraie beauté, par rapport aux fadasses qu’il s’était envoyées auparavant.

– Hum ! la bague est trop belle pour ton doigt, observa le rougeaud.

– Tu crois? Dans un mois, elle sera ma maîtresse, garantit le chauve avec assurance.

– On parie ? Trois sacs de blanche.

– Mais si tu perds, tu dois descendre les Champs-Élysées en string. Sous le ciel de midi.

– C’est la même chose pour toi. Les Champs en string.

– D’accord. Tope là ! s’écria le chauve.

– Le pari est enregistré, précisa le rougeaud, sortant de la poche un dictaphone de la taille d’un paquet de cigarettes. Un mois, pas une minute de plus. 

Levant le pouce, le chauve fit signe à ses complices de passer à l’action. Se comportant comme des satyres, passablement éméchés, ceux-ci prirent à partie la jeune femme lui adressant des propos outrageants, obscènes, à faire rougir quiconque n’aurait pas encore sondé le fond bestial de la nature humaine. En vain, elle essayait de leur échapper se déplaçant sur le quai, ses agresseurs la collaient comme ses bas.

Faisant semblant d’être excédé, le chauve décida d’intervenir. Il marcha droit sur les deux insolents, d’un pas ferme, nerveux, l’air déterminé.

– Mais qu’est-ce que c’est que ces brutes ? Ouste ! Ouste ! de l’air, bestiaux, de l’air ! Fichez-moi le camp, plus vite que ça ! criait-il, les repoussant des mains et des pieds sans ménagement, comme s’il chassait devant lui un troupeau de cochons.

L’un d’eux, avant de prendre la fuite avec son compère, lui porta sur la figure un coup de poing. Il lui éclata l’arcade qui se mit à saigner, tandis qu’un gros bleu se formait autour de son œil gauche.

La jeune femme retira de son sac à main un mouchoir qu’elle appliqua sur la blessure de son héros.

– Merci de m’avoir débarrassé de ces deux affreux. Je vous suis très reconnaissante.

– C’est la moindre des choses. J’ai voulu éviter la bagarre ici, vous savez ? Ils méritaient une bonne correction. Mais ils ne perdent rien pour attendre. Si jamais ils croisent mon chemin, ils me payeront cher ces quelques gouttes de sang. Je m’appelle Freddy, dit-il tendant la main à jeune femme.

– Moi, c’est Christina.

Le train pour Paris entra en gare. Se tenant dans le sillage de la jeune femme, à la manière d’un garde du corps, Freddy y monta derrière elle, et il se retourna pour jeter un regard de triomphe au rougeaud qui les suivait d’un air songeur.

Quand Christina eut pris place dans le train, il s’assit sur le siège devant elle. Il continuait de presser contre l’arcade sourcilière le mouchoir que la jeune femme lui avait donné. Une fois installé, il retira le pansement et demanda à Christina d’y jeter un œil.

 Elle se pencha en avant, examina la blessure en écartant délicatement les sourcils. Les narines de Freddy vibrèrent intensément à l’odeur capiteuse de la jeune femme ; une sensation enivrante fit vibrer toutes les fibres de son corps.

Comme elle se redressait pour reprendre sa place, elle rassura son champion. C´était une coupure superficielle ne nécessitant pas des points de suture ; d’ailleurs, elle ne saignait plus, qu’elle lui dit en souriant.

Ils engagèrent la conversation sur le thème de l’insécurité qui se faisait de plus en plus sentir en milieu urbain. Cela à cause des voyous qui sévissaient en plein jour, n’importe où, devant des témoins incapables de lever le petit doigt pour empêcher leurs méfaits, s’indigna Freddy.

Pour sa part, Christina raconta comment elle se fit agresser en plein Marais, un soir qu’elle rentrait à son appartement. Elle se vit tout à coup arracher son sac à main par un type qui la croisait. Mais, étirant une jambe d’instinct, elle fit un croche-pied au voleur qui s’étala sur les pavés, alors qu’il s’apprêtait à déguerpir. Ainsi, elle put récupérer son bien et mettre le voleur en fuite.

L’air admiratif, Freddy loua le sang-froid et le courage dont elle avait fait preuve. « Ah ! s’écria-t-il, si seulement il y avait plus de gens de votre trempe sur les trottoirs, les malfaiteurs n’auraient qu’à bien se tenir. »

Gare Saint-Lazare, descendant du train, Freddy annonça à sa compagne de voyage qu’il allait rendre visite à un ami, qui habitait près du musée Picasso. Christina lui répondit que, dans ce cas, ils prendraient le métro vers la même destination.

Quelque temps plus tard, sortant de la station Hôtel de Ville, Freddy ne semblait pas pressé de quitter la jeune femme. Marchant à ses côtés, il l’accompagna le long de la rue de Rivoli. Alors, Christina se trouva dans une position embarrassante, se disant qu’il cherchait peut-être à se faire inviter chez elle, dans l’espoir d’une récompense torride pour le service rendu. Elle fit donc travailler ses méninges, afin d’y trouver une bonne parade.

C’est lorsqu’elle arriva devant l’entrée de son immeuble, rue du Bourg Thibourg, qu’elle se tourna vers lui.

– Encore une fois, je vous remercie de m’avoir débarrassé des deux saligauds. Il faut que je rentre. J’attends mon frère, Régis, qui doit arriver d’un instant à l’autre.

– On pourrait se revoir ? dit Freddy, griffonnant quelque chose sur un bout de papier.

– Désolée, je ne suis pas libre, j’ai quelqu’un dans ma vie.

– Dommage. Tenez, voici le numéro de mon portable. Si jamais quelqu’un vous embête, vous n’avez qu’à m’appeler. Je volerai à votre secours.

– Merci de votre gentillesse. Au revoir.

Freddy fit semblant de continuer droit devant lui ; mais, dès que la porte de l’immeuble se referma sur Christina, il rebroussa chemin pour retourner vers l’Hôtel de Ville où il allait reprendre le métro dans le sens inverse. Il était de mauvaise humeur, mécontent de ne pas avoir atteint l’objectif minimum qu’il s’était fixé, c’est-à-dire un simple rendez-vous. « La bégueule dit qu’elle n’est pas libre, et alors, quel est le problème ? On pourrait quand même se revoir. » marmonna-t-il entre ses dents.

Comme son téléphone portable s’était mis à sonner, il fourra la main dans la poche, l’attrapant de mauvaise grâce. C’était Ricky, le complice qui lui avait assené un coup sur la figure.

– Eh ! t’as encore le culot de m’appeler, abruti ? Tout à l’heure, tu m’as éclaté l’arcade et fait un œil au beurre.

– Je m’excuse, Freddy, je l’ai pas fait exprès.

– Je t’avais dit d’y aller mollo, non ?

– Mais il fallait faire vrai, que tu m’as dit.

– Je vais foutre mon poing sur tes châsses de cochon, tu feras gaffe au prochain coup.

 – Je suis désolé, Freddy! Ç'a été comme tu voulais, au moins ?

– C’est pas une pétasse de la rue Saint-Denis, crétin. Il faut la travailler avec patience et doigté.

– Et puis ?

– Et puis, ta gueule de merde ! aboya-t-il avant de raccrocher.

Entre-temps, Christina retrouvait son studio au sixième étage.

Après avoir fermé la porte à double tour, elle put enfin respirer. Ouf ! il lui avait fallu trouver une astuce pour se débarrasser de cet individu, qui n’avait pas lâché ses baskets depuis sa prouesse à la gare. Et pourtant, elle l’avait remercié à plusieurs reprises, l’assurant de sa gratitude. Qu’aurait-il fallu faire de plus ? L’amener chez elle et le mettre dans son lit ? Peuh ! il n’en avait aucune chance, parce qu’il ne l’attirait nullement ; bien au contraire, un mouvement de répulsion s’insinuait déjà dans ses entrailles lorsqu’elle l’avait quitté. Le type avait dans le regard audacieux, désinvolte, quelque chose d’inquiétant, comme la lueur d’une âme perfide mal dissimulée derrière les cils. Si bien que Christina l’imagina un serpent enroulé autour du cœur. Il lui aurait été pénible de rester plus longtemps en sa compagnie.

 Enfin, se rendant compte qu’elle tenait dans la main le bout de papier qu’il lui avait remis, elle le froissa entre ses doigts, faisant une boulette qu’elle jeta à la poubelle.

 

 

 

 

 

 

  

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Au Bonheur d'Écrire
  • Cette page sera essentiellement consacrée aux deux romans que je m'apprête à auto-éditer. J'en publierai ici des Extraits. Il n'empêche qu'on y trouvera également des écrits qui vont de la fable aux petites nouvelles en passant par de petits essais.
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